Les coopératives construisent un monde meilleur. C'est avec ce slogan qu'a démarré l'année 2025, proclamée année internationale des coopératives par l’Assemblée générale des Nations Unies. L'occasion d'aller vérifier cet adage auprès de la SCOP Ethiquable à travers la voix de Rémi Roux, co-fondateur, gérant élu et directeur commercial.
Es-tu tombé dans la soupe coopérative tout petit ?
Pas du tout. On ne nous parle jamais des coopératives à l’école. C’est par hasard, alors qu’on montait le projet ETHIQUABLE qui allait être juste une boite classique, que quelqu’un nous a parlé des SCOP. Heureusement. C’était Arnoult le directeur de l’Union Régionale des Scop d’Auvergne. Du coup, il a su nous en parler.
La coopération, est-ce une évidence ?
Par rapport à notre activité de commerce équitable, oui, ça nous a paru une évidence au départ. Et maintenant quand on voit la dérive de l’économie mondiale : pour l’avenir des générations futures c’est vraiment une évidence qu’il faudrait que le système coopératif devienne dominant.
Le lendemain de la création de la SCOP, qu’as-tu ressenti et perçu comme changement ?
Ben rien, on était en plein boulot avec les autres cofondateurs ! Mais content d’avoir déposé ces statuts.
Qu’est-ce qui a été le plus important pour toi quand tu as décidé de créer ta structure en SCOP ?
C’est qu’on est vraiment tombés d’accord avec Christophe et Stéphane. Aucun des 3 n’a dit un truc du genre : « oui, une Scop c’est bien, mais on pourrait peut-être quand même… »
Être une coopérative, c’est un coup marketing ?
Ah ben non. Dans le système actuel (un peu trop) basé uniquement sur le profit, décider de créer une coopérative qu’on ne pourra pas revendre ensuite, c’est quand même une preuve d’engagement, tu ne crois pas ? Ou c’est juste la preuve qu’on a compris que ce n’était pas l‘argent le plus important.
Comment vos partenaires ou concurrents perçoivent-ils le fait que vous soyez une entreprise coopérative ?
Nos confrères, entreprises classiques, vont se rapprocher, pour ne pas être en reste, de labellisations adaptées à des entreprises classiques
Les démarches de labellisations d’entreprise à mission ou B Corp vont dans la bonne direction. Mais elles ne vont pas au fond des choses. La Gouvernance, et la finance ne sont pas remises en question. Si le vent tourne et que ce n’est plus de mode, l’entreprise peut revenir en arrière pour privilégier les rémunérations des capitaux. Pas dans les SCOP. Nos entreprises ne sont pas à vendre.
Quand tu avoues ne pas être coté en bourse ni aux mains de fonds d’investissement, et qu’en plus la gérance de l’entreprise est démocratique, tes interlocuteurs ne t’écoutent plus ?
Au début, sans doute que des gens souriaient en coulisse. Aujourd’hui qu’ETHIQUABLE a démontré son modèle économique, c’est plus pareil. Même les financiers classiques ont envie de nous écouter.
Qu’est-ce qui selon toi freine la création ou le passage en SCOP ou SCIC ?
Je pense qu’il reste toujours cette absence de lucrativité à la sortie qui reste un gros frein, pour la création en SCOP. Pour les transmissions, c’est souvent le manque de capital qui freine. Les banques qui vont prêter les yeux fermés à une startup bien capitaliste, (qui les plantera parfois après) vont accorder beaucoup moins à un projet plus social et collectif, et pourtant souvent plus pérenne.
Par quelles SCOP ou SCIC as-tu été et es-tu inspiré ?
En Occitanie, on est baigné par l’histoire des verreries ouvrières d’Albi, créée en 1895 avec l’aide du député Jean Jaurès ! Sinon, l’histoire d’Ardelaine m’a beaucoup touché. Et évidemment ENERCOOP que j’allais oublier !...
Pourquoi les SCOP ou SCIC ne sont pas la norme de forme d’entreprise ?
Il faudrait qu’on fasse évoluer notre système économique capitaliste, que la lucrativité reprenne se place de « moyen » et non pas de « but ». La recherche du profit maximal c’est toujours du court terme. Alors que la pérennité sera la priorité dans les SCOP et SCIC.
Le taux de survie à 5 ans des entreprises est de 61 % en moyenne en France. Dans le monde des Scop, on est à 78 %. Et oui, plus robustes. Pourtant, on démarre souvent avec moins de capital et moins de soutient des banques…
La relation au travail, et in fine au capital, induite par le statut coopératif, est-elle un atout pour recruter ?
Ce n’est pas assez un atout pour recruter. Il faudrait que le statut soit plus connu. Moi je trouve tout simplement que c’est le bon sens !
Un, deux et trois adjectifs pour définir ce qu’est une coopérative ?
Partage, solidaire, ensemble… c’est des adjectifs ça ?
Les SCOP/SCIC sont-elles finalement de vraies entreprises ?
Une « vraie entreprise », c’est une entreprise qui appartient à des financiers qui n’y travaillent même pas, et qui se servent de la boite comme d'une pompe à fric pour leur enrichissement personnel ? Si c’est ça une « vraie entreprise », alors je n’adhère pas ! Ce sont nous les vraies entreprises, celles qui appartiennent aux gens qui y travaillent !
Si toutes les travailleuses et tous les travailleurs étaient des coopin⋅es, ça serait…
Un sacré bordel ! On n’aurait plus de milliardaires, la planète serait foutue :-)
Est-ce que notre civilisation serait en péril si les riches et puissants disparaissaient ? Et que le poids de l’argent soit remplacé par le poids des échanges et de la coopération ? Je suis sûr que la planète soufflerait un peu.
2025, année internationale des coopératives par l’ONU. Et après ?
Ben déjà, il faudrait que les gens soient au courant que c’est cette année ! Et un jour, qu’on ait des politiques qui permettent le développement du Mouvement coopératif, en nous donnant seulement les mêmes avantages que les entreprises classiques (pour l’accès au financement par exemple). Le manque de capital empêche souvent des créations, transmissions ou reprises d’entreprises en SCOP. La Banque des Territoires investit souvent des fortes sommes sur des projets privés.
Si l’on créait un vrai fond d’investissement pour appuyer le capital des sociétés coopératives en création ou reprise, cela permettrait de développer fortement le Mouvement. Et alors ce sera chaque année l’année des coopératives !
En attendant Enercoop Midi-Pyrénées et d'autres coopératives du territoire vous donnent rendez-vous le 19 juin à Toulouse à l'occasion de Let's coop pour échanger sur l'ensemble des sujets abordés par Rémi.
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Pour découvrir l'interview croisée de Loïc Blanc pour Enercoop Midi-Pyrénées, ça se passe ici !
