Publié le mercredi 17 janvier 2024

Les communs d'abord ! Témoignage de la coopérative Plateau Urbain

plateau urbain photo du lieu Césure

Organisé par Enercoop dans le cadre du Mois de l'ESS, le Mois de la Coopération a mis en lumière le modèle coopératif et les coopératives qui œuvrent pour la transition écologique. Nous vous proposons aujourd'hui le témoignage de Plateau Urbain, coopérative d’immobilier solidaire et d’urbanisme transitoire, qui devait intervenir lors de notre débat sur les coopératives et les biens communs, qui a malheureusement dû être annulé.

Plateau Urbain, coopérative d’immobilier solidaire et d’urbanisme transitoire, mène des activités de gestion d’espaces d’activités temporaires à prix maîtrisé, de conseil et de prospective. L'objectif de l'urbanisme transitoire est de redonner un usage aux lieux inoccupés en les mettant à disposition de structures n’ayant pas la capacité financière d’accéder à l’offre du marché immobilier classique dans une perspective à la fois sociale, économique et écologique. Raphaëlle Chaygneaud-Dupuy, responsable de la vie de la coopérative et du sociétariat pour Plateau Urbain, a répondu à nos questions.

Pourquoi Plateau Urbain est une SCIC ? Pourquoi c'est important ?

En 2017, Plateau Urbain se transforme d'association en société coopérative à intérêt collectif (SCIC). L'enjeu était double : s'assurer que les décisions soient prises par les personnes sur le terrain au quotidien et non des personnes extérieures, et garantir la pérennité de l'organisation au-delà de ses représentants et de la discontinuité des projets par essence temporaires. Plateau Urbain en tant qu'outil de "production" d'une autre façon de penser la ville est ainsi détenu collectivement par les personnes qui y travaillent et les personnes qui en bénéficient.

La forme coopérative permet à Plateau Urbain, projet à la croisée des mondes, de s’incarner dans un statut juridique hybride, une entreprise à lucrativité limitée, avec une mission sociale comme cap et la recherche d’un équilibre financier indépendant. Le choix de la SCIC, et non de la SCOP, reflète la volonté de Plateau Urbain d’être un lieu de rencontre et d’intermédiation entre des acteurs positionnés dans des champs différents de la fabrique de la ville. Avec la SCIC, toutes ces parties prenantes peuvent être intégrées au sociétariat.

L’idée forte de la SCIC est d’inclure les parties prenantes à la gouvernance de l’organisation. Les coopérateurs apportent leur soutien financier et leurs voix à la coopérative pour renforcer l’assise du projet. Le capital social varie en fonction des apports des coopérateurs. Dans le même temps, cela signifie que le projet Plateau Urbain n’appartient plus uniquement à ses initiateurs, mais bien à toutes les parties prenantes qui décident de contribuer en donnant une partie de leur temps et de leur argent au projet. Cette dépossession renverse les rapports habituels entre les initiateurs, le projet et les salariés. Cette dépossession a des conséquences notamment sur le rôle des fondateurs.

Quelle vision des communs chez Plateau Urbain ?

On approche le concept avec beaucoup d'humilité, car il y a un monde entre mettre en commun des espaces, des pratiques, des outils et créer un commun au sens développé par Elinor Ostrom. La mission sociale de Plateau Urbain est de redonner une place à ceux qui n’ont pas les moyens d’en avoir. Ainsi la coopérative cherche à recréer espaces de convivialité en ville, des communs urbains, en remettant l’accent sur l’usage des espaces, plutôt que leur seule valeur immobilière, voire financière.

Concrètement, des espaces communs sont sortis des surfaces disponibles à la sous-occupation pour en partager l’usage au sein de la communauté des occupants. Dans l’immobilier classique environ 75 % des surfaces sont valorisées, c’est-à-dire que leur usage est rémunéré contre loyer. Dans les sites ouverts par la coopérative, 55 % des surfaces sont valorisées contre une redevance, 65 % d’espaces sont dédiés à la rencontre entre occupants et aux circulations.

Ces espaces communs permettent l’ouverture sur le quartier, sur la ville, notamment pour accueillir des événements associatifs, culturels ou artistiques. Une telle ouverture suscite une diversité d’usages. Comme le dit très justement Sarah Vanuxen, “Les communs nous ramènent à d’anciennes formes de propriété, qui n’étaient pas des propriétés individuelles, privatives, exclusives, absolues, mais de droit d’usage.”

La coopérative crée des pages blanches immobilières, dont la programmation née des envies des occupants qui investissent les lieux. Plateau Urbain s'efface derrière les tiers lieux qu'elle contribue à ouvrir. Chaque responsable de tiers-lieu adopte une position de facilitateur du collectif qui se crée pour la durée du projet, soit entre 2 et 5 ans.

Avec la possibilité pour les occupants de devenir sociétaire de la coopérative depuis juin 2023, nous réalisons un projet qui a débuté en 2018, pour donner une voix nouvelle aux occupants et les associer à la stratégie et au développement de la coopérative. Comme toujours à Plateau Urbain, nous expérimentons, que ce soient de nouvelles façons de faire ou de décider collectivement.

On finit avec un exemple de coopérative qui vous inspire, de modèle de gestion/défense des biens communs, une recommandation culturelle, etc. !

Je retiendrais mes premières rencontres avec ce concept, qui m'avait d'emblée semblé protéiforme et donc intriguant. 

  • Un des aspects intéressants des communs est de constituer une communauté en charge de gérer le commun. En Flandres, aux XI-XIIè siècles, les Béguines géraient ainsi de petits bouts de ville dans la ville. Les maisons appartenaient à la communauté de femmes pieuses mais laïques, et individuellement les béguines n'avaient que l'usufruit. Série d'articles à découvrir sur le sujet : https://www.lemonde.fr/ces-femmes-qu-on-nomme-beguines/
  • le combat pour donner une personnalité morale à des fleuves pour leur assurer une représentation juridique est aujourd'hui un outil pour lutter contre le dérèglement climatique. On pense aux fleuves comme le Río Atrato, en Colombie, le Whanganui, en Nouvelle-Zélande, doté du statut d’“être vivant unique”, ou encore la rivière Magpie, au Québec. En France l'écrivain Camille de Toledo s'est engagé dans ce combat au nom de la Loire. A lire : Les auditions du parlement de Loire (aux éditions Les liens qui libèrent)

Merci à Raphaëlle d'avoir pris le temps de répondre à nos questions !

Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de Plateau Urbain.

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