Stockage virtuel :
plus que du solaire… c’est du vent !
Sur les publications spécialisées dans l’énergie solaire, les articles se multiplient pour parler du stockage virtuel ou encore de la batterie virtuelle. Ses promoteurs vantent un système économique et écologique pour les autoconsommateurs. Alors que nous sommes au coeur du mois de l'autoconsommation, qu’en est-il réellement ?
Quel est le principe du stockage virtuel ?
Être autoconsommateur, c’est produire de l’énergie chez soi pour en consommer tout ou partie. Cela se fait généralement avec des panneaux solaires photovoltaïques, posés en toiture. Enercoop travaille d’ailleurs avec un réseau de partenaires pour accompagner les particuliers dans leurs projets d’autoconsommation, et propose ses services de bureau d’études pour les projets solaires des professionnels et collectivités.
Lorsque l’on est autoconsommateur, on ne consomme pas toute l’énergie produite par ses panneaux en temps réel : il y a la part autoconsommée et la part de “surplus”.
Le surplus (la part qui n’est pas autoconsommée) est injecté sur le réseau d’électricité. D’un point de vue économique, il existe plusieurs façons de le valoriser :
- Le vendre sous la forme de l’obligation d’achat qui fait partie des subventions à l’autoconsommation. La vente se fait en général à EDF-OA. Le tarif actuellement en vigueur est de 0,13 €/KWh injecté pour une installation de puissance inférieure ou égale à 9kWc.
- Le partager avec des bâtiments voisins dans une opération d’autoconsommation collective (plutôt adapté à des installations de puissance dépassant 12kWc, donc rare à l’échelle individuelle)
- Le donner à Énergie Solidaire (actuellement cette option est proposée à des professionnels ou collectivités dont l'installation a un surplus dépassant 5000 kWh par an)
- Le céder gratuitement sur le réseau.
- Le stocker sur place avec une batterie. Cette solution est rare aujourd’hui en France car elle pose des questions de rentabilité aussi bien écologique qu’économique.
- Le vendre à un fournisseur d’électricité.
Le “stockage virtuel” consiste à vendre son électricité à un fournisseur… qui se charge de revendre la même quantité d’électricité au même prix à un autre moment. En général, de façon à minimiser la TVA, il est proposé de céder son énergie gratuitement au fournisseur qui en échange cède la même quantité d’énergie “gratuitement” à un autre moment.
Le terme de “stockage virtuel” est donc trompeur : il n’y a aucun stockage ni aucune batterie. Physiquement, tout fonctionne comme un contrat d’électricité normal et comme une autoconsommation normale. Tout repose sur le réseau électrique dans lequel est injecté le surplus et d’où vient l’électricité appelée. Il y a simplement un montage tarifaire habillant cela sous un nom attractif. Plus que du solaire… c’est donc du vent.
Le stockage virtuel est-il écologique ?
L’énergie solaire photovoltaïque est une énergie renouvelable, les panneaux sont recyclables à plus de 97 % et l’installation en toiture ne demande pas de nouvelle construction. L’autoconsommation peut donc être très intéressante d’un point de vue écologique !
L’électricité se stocke encore difficilement, et il est nécessaire d’assurer en permanence l’équilibre entre l’électricité produite et l’électricité consommée à l’échelle nationale pour garantir la stabilité du réseau. Toutes les études prospectives le disent : pour aller vers une France 100 % renouvelable, il est crucial que la consommation s’adapte à la production, en particulier avec des énergies telles que le solaire et l’éolien. C’est ce qu’on appelle la flexibilité de consommation sur laquelle Enercoop expérimente avec ses sociétaires et ses client⋅es.
Dans le cas d’une autoconsommation, l’intérêt écologique de l’installation est d’autant plus intéressant que le taux d’autoconsommation est important. En effet, lorsque l’énergie est produite et consommée sur place, elle ne vient pas du réseau. Les besoins d’équilibrage et les pertes en lignes sont donc minimisées. Un autoconsommateur qui s’organise pour déclencher ses machines et décaler ses consommations lorsque le soleil brille améliore son bilan écologique et réalise des économies (car l’énergie autoconsommée est moins chère que celle achetée).
Inversement, le stockage virtuel porte à croire que le moment où l’on consomme de l’électricité n’a pas d’importance puisque le prix est toujours le même et son nom laisse à penser que l’énergie produite chez soi est stockée quelque part et restituée à un autre moment. En réalité, l'électricité consommée par l’usager depuis sa batterie virtuelle correspond au mix de production du réseau au moment où il utilise ses appareils. En fonction de l’heure où cette énergie “virtuellement stockée” est appelée, elle pourra notamment être issue de moyens de production fossiles. En conséquence, le stockage virtuel incite à garder les mêmes pratiques de consommation qu’avant sans se soucier de les adapter à la production en temps réel de ses panneaux solaires, et donc à avoir un taux d’autoconsommation plus faible. Le stockage virtuel est donc moins écologique qu’une autoconsommation sans stockage virtuel.
Le stockage virtuel est-il économique ?
Enfin, le stockage virtuel est parfois présenté comme une bonne affaire, qu’en est-il vraiment ?
D’abord, lorsque l’on passe au stockage virtuel, on abandonne les subventions associées : la prime à l’autoconsommation et le tarif de rachat garanti pendant 20 ans. En échange, on obtient une certaine quantité d’énergie “gratuite”. Cela semble être intéressant, mais en réalité l’énergie obtenue n’est pas totalement gratuite car il est nécessaire de payer les taxes d’utilisation du réseau et de contribution au service public de l’électricité (CSPE).
Prenons un exemple concret : une personne consommant 6000kWh/an avec une installation qui produit 3000kWh/an dont 1000kWh sont autoconsommés et 2000kWh sont en surplus. Cette personne aura donc 6000-1000=5000kWh de consommation normale (non autoconsommée). Prenons un prix de consommation de 0,20 €/kWhTTC et un rachat du surplus à 0,13 €/kWh. On obtient le calcul suivant :
Sur cette base, le stockage virtuel n’est pas intéressant économiquement. Le coût de l’abonnement peut-il changer la donne ?
Justement, avec le stockage virtuel, la “batterie virtuelle” est chargée principalement en milieu de journée et à la belle saison quand l’électricité est moins chère pour le fournisseur. Et elle est “déchargée” le matin, le soir et en hiver quand l’électricité est plus chère pour le fournisseur. Sauf à perdre de l’argent durablement, cela n’a aucun intérêt pour un fournisseur d’électricité… Ainsi, un fournisseur qui propose du stockage virtuel peut être tenté de mettre en place les stratégies suivantes :
- Créer un coût d’abonnement au stockage virtuel en plus de l’abonnement d’électricité usuel
- Rattraper ce coût en augmentant le coût de l’abonnement d’électricité, ou le coût de l’énergie au delà de celle “destockée” gratuitement
- Proposer une offre groupée d’installation des panneaux et de stockage virtuel de façon à répartir sa marge entre ces deux activités
- Proposer ce dispositif à perte en reportant les coûts sur d’autres clients
- Proposer ce dispositif à perte le temps de constituer une clientèle avant de relever ses prix. Les utilisateurs auront perdu leur droit au tarif de rachat garanti et n’auront pas de solution de rechange.
In fine, le stockage virtuel ne présente aucun réel intérêt économique pour le consommateur, au moins dans les 20 premières années de son installation (pendant lesquelles le tarif de soutien public est garanti). Au delà de ces 20 années, l’intérêt économique dépend fortement des conditions d’abonnement et des possibilités de rachat de surplus alternatives. À date, Enercoop achète principalement le surplus d’installations collectives et citoyennes mais pas celui des particuliers.
Conclusion : que vaut le stockage virtuel ?
Le stockage virtuel, ou la batterie virtuelle, sont des termes marketing visant à vendre une offre de fourniture d’électricité à des autoconsommateurs en laissant croire à des bénéfices qui n’existent pas. Cette notion peut réduire l’intérêt écologique d’une installation solaire et va à l’encontre de l’approche circuit court de l’énergie que permet l’autoconsommation car elle n’incite pas à décaler ses consommations au bon moment ni à questionner plus largement nos usages de l’électricité. De plus, un tel montage n'est généralement pas économiquement intéressant pour les consommateurs. Vous ne trouverez donc pas de stockage virtuel chez Enercoop : fidèles à nos valeurs nous gardons des offres simples, claires, transparentes pour toutes et tous.