Versement nucléaire universel :
le mécanisme post-arenh
Le 1er janvier 2026, l’ARENH sera remplacé par le versement nucléaire universel (VNU). Nous vous proposons de revenir dans cet article sur les raisons de la fin de l’ARENH, les conditions d’élaboration du VNU, son fonctionnement et enfin, pourquoi ce mécanisme est problématique selon Enercoop.
Rappel du fonctionnement de l’ARENH et des raisons de son extinction
En 2009, la Commission dite Champsaur est mise en place et vise à permettre une ouverture à la concurrence au sein d’un marché européen unifié, en tenant compte du modèle français (EDF en situation de monopole, consommateurs et consommatrices français⋅es bénéficiant de tarifs régulés par la puissance publique - les tarifs réglementés de vente d’électricité).
Les travaux de cette Commission débouchent sur la loi n°2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (NOME) qui introduit l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) avec plusieurs objectifs :
- faire bénéficier à tous⋅tes les consommateurs et consommatrices en France de la rente nucléaire peu importe leur fournisseur,
- permettre le développement de la concurrence sur le marché de la fourniture,
- assurer le financement du parc de production existant.
Le principe est simple : EDF doit réserver chaque année 100 TWh de production nucléaire (sur environ 450) aux fournisseurs alternatifs. Ces volumes sont cédés au prix régulé de 42 €/MWh aux fournisseurs qui en font la demande, chaque année au mois de novembre pour l’année suivante.
La loi NOME dispose que l’ARENH prendra fin le 31 décembre 2025. À compter de cette date, les fournisseurs d’électricité s’approvisionneront intégralement sur les marchés ou avec leurs propres moyens de production.
Toutefois, toute régulation ne disparaît pas : les pouvoirs publics ont introduit dans la loi de finances 2025 le mécanisme qui remplacera l’ARENH le 1er janvier 2026, le versement nucléaire universel (VNU).
Le VNU en (à peu près) deux mots
Le VNU prévoit une captation et une redistribution a posteriori, aux consommateurs et consommatrices, des revenus qu’EDF tire de la vente de sa production nucléaire. Le mécanisme prend la forme d’une taxe, à hauteur de 50 % des recettes du producteur excédant un premier seuil dit « de taxation », et 90 % des revenus excédant un second seuil dit « d’écrêtement ».
Nous sommes donc loin du fonctionnement de l’ARENH en guichets annuels optionnels. En effet, il s’agit d’une taxe (prélevée auprès d’EDF) qui doit être universellement reversée aux consommateurs et consommatrices, quel que soit leur fournisseur. Le fournisseur, dont Enercoop, doit donc reverser le revenu lié à la taxe, quand le VNU s’enclenche.
Le premier seuil devrait se situer autour de 70 €/MWh et le second autour de 110 €/MWh. Ces seuils dépendent notamment de l’évaluation des coûts du nucléaire, qui sera établie par la CRE tous les 3 ans. Ils seront fixés par décrets.
Officiellement, le VNU entre en vigueur le 1er janvier 2026. Néanmoins, il n’est effectif que si les seuils de taxation sont atteints (a priori autour de 70 €/MWh puis 110 €/MWh). Or, selon la CRE, les prix sur le marché se situent au moins pour les deux prochaines années autour de 60 €/MWh, ce qui laissera le VNU en sommeil au moins jusqu’en 2028.

Schéma explicatif du VNU
Le rôle central du fournisseur
Les revenus captés par l’Etat via la taxe seront reversés aux consommateurs et consommatrices sur tout ou partie de l’année par l’intermédiaire de leur fournisseur, en déduction de leur facture. Une ligne dédiée devra apparaître sur leur facture.
La formule de calcul de la réduction de prix sera uniforme pour l’ensemble des consommateurs et consommatrices finaux, particuliers et professionnels. Elle sera basée sur la consommation donc elle variera en fonction des kWh consommés.
Le mécanisme va également prendre en compte l’état de tension du système électrique, le gouvernement voulant inciter les consommateurs et consommatrices à déplacer leurs consommations sur les périodes de faible tension (c’est-à-dire quand la production est bien supérieure à la consommation). Il est donc possible que les réductions sur factures liées au VNU (quand celui-ci s'enclenche) soient effectives principalement sur les mois les moins tendus pour le réseau, soit d’avril à octobre. Fin 2025, les discussions sont toujours en cours sur les modalités précises de ce reversement.
Côté fournisseurs d’électricité, cela impliquera, quand le mécanisme est activé, de déclarer les volumes de consommation prévisionnels de ses client⋅es aux pouvoirs publics. Ces derniers pourront ainsi, sur la base de la déclaration des fournisseurs, reverser le produit de la taxe aux fournisseurs qui le répercuteront à leurs client⋅es sous la forme d’une décote sur la facture. Le processus est proche de ce qui était en vigueur en 2022 et 2023 lors de la crise de l’énergie et de la mise en place des boucliers et amortisseurs.
Des négociations opaques laissant les citoyen⋅nes sur le banc
Le VNU a dans un premier temps été discuté entre EDF et l’État à l’automne 2023, sans aucune consultation des parties prenantes ou des citoyen⋅nes. Une fois l’accord signé entre EDF et l’État, une consultation éclair a été organisée (décembre 2023), à laquelle Enercoop a participé (voir ci-dessous).
Dans un deuxième temps, l’accord a été entériné dans la loi par le biais de la loi de finances 2025, adoptée rappelons-le en février 2025 après que le gouvernement a engagé sa responsabilité (article 49.3 de la Constitution).
Les grandes lignes du VNU sont donc désormais contenues dans le Code de l’énergie (L 337-3 et suivants) mais 11 textes d’application sont nécessaires pour en fixer les détails. Ces textes arrivent au compte-goutte. Fin 2025, seulement 2 textes ont été publiés (sur les règles de comptabilité appropriées pour le calcul des revenus d’EDF issus de la vente des volumes nucléaires et sur la méthodologie d’évaluation des coûts du nucléaire).
La critique du VNU formulée par Enercoop
Enercoop a pris publiquement position à différentes reprises contre ce dispositif :
- lors de la consultation publique éclair de décembre 2023 que vous pourrez retrouver sous ce lien ;
- lors de plusieurs sessions du Conseil supérieur de l’énergie.
Enercoop dénonce en particulier :
- le VNU a été adopté sans aucun débat, dans un cadre totalement opaque (dans un projet de loi de finances adopté par le biais de l’article 49.3 à l'Assemblée Nationale) alors qu'il est structurant pour le marché de l'énergie et impactant directement les consommateurs et consommatrices ;
- donne la fausse impression que l’énergie nucléaire est une rente pour le pays qui ferait baisser la facture d’électricité, et ne visibilise pas le vrai coût de l’énergie nucléaire pour la société (coût de gestion des déchets, du démantèlement des anciennes centrales,...) ;
- ce dispositif ne sera pas protecteur des consommateurs et consommatrices car basé sur les prix marché et non sur les coûts de production.







