De quoi parle-t-on ?

Il s’agit en réalité de 2 consultations publiques :

  • Un débat public appelé « Nouveaux réacteurs nucléaires et projet Penly », organisé par la CNDP (Commission nationale du débat public), a été lancé le 27 octobre sur la création de 6 nouveaux réacteurs nucléaires EPR de deuxième génération, dont la première paire s’implanterait sur l’actuel site de Penly en Normandie. Ce débat public est composé de plusieurs soirées ouvertes à tout le monde et se déroulant un peu partout en France jusqu’à fin février 2023. Deux soirées débat ont eu lieu le 27 octobre et le 8 novembre. Il est aussi possible de poser des questions et de donner son avis sur la plateforme en ligne.
  • En parallèle d’une concertation publique nommée « Le système énergétique de demain », organisée par le gouvernement, sur le choix plus global du mix énergétique français. Elle comprend une plateforme participative sur laquelle chacun.e peut apporter sa contribution jusqu’au 31 décembre, un « tour de france » des régions avec des débats ouverts au grand public et un Forum des jeunesses mi-janvier prochain.

Le but de ces consultations ?

En principe, ces deux consultations doivent aboutir à des observations et propositions des citoyens.nes qui     viendront alimenter la loi de Programmation Energie Climat (LPEC) et les débats au Parlement autour de celle-ci. Cette loi définira la stratégie française globale en matière de transition écologique. L’enjeu de cette loi est donc de taille. Elle sera débattue au Parlement au second trimestre de 2023 et doit être promulguée avant le 1er juillet 2023.    

Quel est l’avis d’Enercoop sur le sujet ?

Sur la forme…
  • Des délais de consultation trop courts : dans le cadre de la concertation publique organisée par le gouvernement, seul un délai de deux mois a été laissé pour que chacun.e apporte sa contribution. Nous pensons qu’une réflexion aussi cruciale sur notre futur énergétique, ayant un impact sur les générations futures, mériterait plus de temps et une meilleure information et transparence sur les enjeux du débat.
  • Un manque de transparence bafouant le droit à l’information : La nature des éléments proposés pour débattre et les délais empêchent une information pleine et complète sur les coûts environnementaux, économiques et sociaux de ces projets, ainsi que sur les risques associés. Par exemple, aucune étude d’impact global n’a été proposée aux citoyens. Or le Droit à l’information sur des projets ayant un impact sur l’environnement est inscrit à l’article 7 de la Charte de l’Environnement, qui a valeur constitutionnelle.
  • Manque de communication et de lisibilité sur les objectifs distincts des deux démarches : Peu de concitoyens sont au courant de cette concertation publique. Tout comme la CNDP qui a pu l'exprimer lors de l’ouverture du débat Penly à Dieppe le 27 octobre dernier, nous déplorons le manque de communication de la part du gouvernement qui se répercute sur la faible participation en ligne. De plus, la superposition des deux démarches porte à confusion et brouille les objectifs de chacune.
  • Il ne suffit pas de solliciter une fois les citoyens pour avoir un débat démocratique tant les inconnues et les zones d’ombre autour des projets nucléaires et de leurs impacts sont conséquentes.
Sur le fond...
  • Des dés pipés : ces consultations arrivent en même temps que l’annonce du projet de loi visant à préparer les conditions de relance de la stratégie nucléaire par l’autorisation de travaux sur les bâtiments indirectement liés à la réaction nucléaire. Il fait suite au discours d’Emmanuel Macron à Belfort en février 2022, dans lequel il annonçait sa volonté de construire 6 nouveaux EPR et de lancer une étude sur la mise en chantier de huit autres avant 2050. Le résultat des consultations publiques semble donc convenu d’avance. Nous pensons que ce projet de loi aurait a minima dû être la conséquence éventuelle des débats et de la loi sur la stratégie française en matière de transition écologique.
  • Des concertations partiales et partielles : Nous regrettons que la fermeture des centrales nucléaires et la prolongation des réacteurs arrivant en fin de vie ne fassent pas l'objet d'une consultation citoyenne spécifique ou a minima d’un débat spécifique. En effet, ces sujets ne sont pas explicitement indiqués dans l’ordre du jour des consultations du gouvernement et de la CNDP. De plus, le Président a affirmé dans son discours à Belfort sa volonté de prolonger certains réacteurs nucléaires au-delà de 50 ans, donnant l’impression que le choix était fait.
  • Un questionnement sur l’impact de ces consultations ? Les modalités de prise en compte des observations et propositions apportées lors de ces débats sont floues. C’est pourtant tout l’intérêt de ce genre de débat.
  • Une sincérité et une crédibilité qui font défaut au gouvernement : Nous avons quelques doutes s’agissant de la volonté du gouvernement à prendre réellement en compte le     contenu des débats, au regard des résultats du Grand débat     national et de la Convention citoyenne pour le climat.  C’est pourtant tout l’intérêt de ce genre de débat. La CNDP semble attachée à son rôle de garante du “droit au débat public” mais son rôle s’arrête malheureusement à la bonne tenue du débat.
  • La finalité des précédents débats publics sur le nucléaire ont affaibli la confiance des citoyens.nes : On peut citer notamment les débats de 2005 autour du projet d’EPR de Flamanville, le projet Penly 3 et celui sur le projet CIGEO d’enfouissement des déchets nucléaires de 2013. Dans ces trois cas, les conclusions des débats n’ont pas été prises en compte dans la décision finale, qui était jouée d’avance. La CNDP aborde d’ailleurs ces aspects dans sa note de retour d’expérience sur 17 années de débats publics.

Enercoop s’est toujours opposée à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, pour des raisons environnementales, sanitaires, économiques, sociales et technologiques. Enercoop défend la vision de négaWatt pour un mix énergétique 100 % renouvelable d’ici 2050. Il repose sur une articulation entre sobriété, efficacité énergétique et développement des énergies renouvelables. Pour ce choix de société, Enercoop milite et œuvre au quotidien pour le développement de projets de production au plus près des territoires, conçus par et pour les citoyens. Ces choix de société doivent se faire dans une logique de coopération et de solidarités locales, non imposées de manière verticale et centralisée.

Par ailleurs, comme précisé ci-dessus, nous sommes critiques sur la forme des consultations organisées par la CNDP et le gouvernement, en particulier leurs calendriers donnant l'impression que les jeux sont faits et générant de la confusion.

Néanmoins, Enercoop promeut le débat et l’appropriation par chacun et chacune des enjeux de transition énergétique. C’est pourquoi nous vous invitons à vous saisir de ces consultations en y participant afin d’apporter votre point de vue et votre opinion sur le sujet du nucléaire. Pour vous épauler nous vous enverrons prochainement des documents complémentaires.